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Allmen et les libellules

Suter, Martin (CH)

Allmen et les libellules

Avec cette lumière grise, tout paraissait plat et inanimé. L’aube était immobile.
Il faisait froid dans la bibliothèque en verre d’Allmen.
Peut-être aurait-il dû allumer un feu. Mais sa dernière tentative,
l’hiver précédent, avait si pitoyablement échoué qu’il s’en abstint. Il
resta dans son fauteuil de lecture, sans lire, à frissonner. Cela aussi
lui était égal.
Les pieds du piano avaient laissé trois profondes empreintes.
Même cette vision ne déclencha rien en lui. Rien, sinon une indifférence
paralysante.
Il ne savait pas combien de temps s’était écoulé depuis qu’il
avait vu Carlos, en manteau et bonnet de laine, marcher vers la maison.
Il l’avait entendu monter l’escalier à grands pas, puis le redescendre
peu après. Carlos n’avait pas regardé à l’intérieur. N’ayant pas vu de
lumière, il supposerait forcément qu’Allmen était au Viennois. Comme
chaque matin à cette heure-là.
Il vit alors Carlos qui s’activait dehors. Il portait sa tenue
de travail, avec un autre bonnet de laine, plus ancien,  et une veste
d’ouvrier généreusement rembourrée.
Allmen s’assoirait simplement ici et attendrait qu’il vienne préparer le déjeuner. Il irait le voir dans la cuisine et dirait :

– Carlos ?
Et Carlos répondrait :

– ¿ Qué manda ?
Alors il dirait :
– Nous y sommes, j’ai besoin de las libélulas.
Et au cas où il les sortirait, Allmen procéderait exactement
comme dans son plan. Et dans le cas contraire ? Peu importait aussi.
Il s’était certainement un peu endormi lorsqu’il entendit
des bruits en provenance de la cuisine. Il faisait encore plus sombre.
La neige tomberait d’un instant à l’autre.
Allmen s’arracha à son fauteuil. Lorsqu’il passa devant
l’endroit où l’arrière de la serre donnait sur un buisson épais et
élevé, il eut l’impression que quelque chose y avait bougé.
Les arbres du parc y étaient denses et sombres. Les troncs des
grands sapins et des épicéas émergeaient d’un sous-bois presque
impénétrable fait d’ifs et de fougères. Parfois, Allmen en voyait sortir
ou disparaître l’un de ces renards citadins qui cherchaient leur
pitance dans les

jardins et sur les terrasses du quartier des villas.
Il recula, s’adossa contre la paroi de verre et regarda
l’emplacement en question.
Un coup violent l’atteignit à la poitrine. En tombant, il
entendit un  plop  sourd et ressentit une douleur à l’occiput.

CHF 29.80

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ISBN 9782267021738
Sprache
Buchpreis
Verlag Christian Bourgois
Jahr

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