« Tu reconnais le poisson, là, au-dessus du réfrigérateur ? » Une gravure encadrée : « Oui, c'est un brochet... » Mais géant. Le Vieux allait sûrement se moquer; il n'existait pas de brochet de cette taille. Théo reprit : « Enfin, on dirait un brochet, mais grand comme un requin.»« Ouais, un brochet, bien vu. Quelque chose comme cent soixante kilos, six mètres de long. Quand on l'a pêché, on a trouvé, accrochée à l'une de ses ouïes, une bague avec une inscription : c'était le grand empereur Barberousse qui l'avait mis à l'eau dans l'étang où on l'avait capturé, du côté de Mannheim ou de Kaiserslautern. Eh bien, mon garçon, empereur ou petite ablette, on passe tous à la casserole, le grand Barberousse le premier, qui a bu la tasse dans une rivière de Turquie, alors que le brochet a survécu près de trois cents ans à son empereur.— J'aimerais pêcher un brochet comme celui-là !— Il le faudra bien, mon garçon. C'est pour ça qu'on pêche.{…}Cet extrait de la nouvelle «Le Brochet de l'empereur Barberousse» donne le ton du recueil. Les personnages principaux en sont des enfants, certains devenus adultes. Tous sont habités par des rêves, certains par des cauchemars. Il peut arriver aussi que le rêve tourne au cauchemar.